2001 |
Dominique Lestel (né en 1961), philosophe et éthologue, enseigne les sciences cognitives à l'Ecole Normale Supérieure. Il est chercheur associé dans l'équipe d'éco-anthropologie du Museum d'histoire naturelle (mnhn/cnrs).
Dominique Lestel montre ici que les comportements culturels humains ne constituent pas une rupture par rapport au monde animal mais qu'ils émergent progressivement dans l'histoire du vivant. Il suggère par ailleurs que certains animaux sont d'authentiques sujets dotés d'une histoire, d'une conscience de soi et sont capables de représentations complexes.
. Sens du mot « culture » (notes personnelles)
- en sociologie et ethnologie :
genre de vie traditionnel dans une région déterminée.
- en éthologie :
ensemble des
structures comportementales caractéristiques de divers groupes d’animaux
étudiés
dans leur milieu
naturel.
- Définition
systémique :
ensemble des valeurs
développées dans un milieu entretenu
Dans le monde
animal où une étude des valeurs ne peut être menée sur la base du langage, ces
valeurs ne sont décelables que par les comportements
qu’elles sous-tendent, et par là d’un genre de vie traditionnel..
EXTRAITS:
19- L’éthologie est confrontée à deux défis majeurs : penser
l’intelligence du non-humain sans la ramener malgré tout à un référentiel
humain, et penser le social sans exiger de lui qu’il s’appuie sur le langage.
55- Le rituel est un phénomène par lequel la différence entre
société animale et culture humaine a été beaucoup discutée dans les années 40 à
70. Il est alors perçu plus ou moins consciemment comme l’un des comportements
les plus complexes de l’animal et l’un des plus « animaux » de
l’homme.
56- C’est une idée profondément ancrée chez certains éthologues et chez
certains anthropologues que l’origine de l’art se trouve dans les
procédures de ritualisation de comportements animaux. On trouve cette
idée chez sir Maurice Bowra, par exemple, lorsqu’il écrit qu’ « aussi
loin que nous puissions remonter dans le temps, nous trouvons des danseurs qui
imitent les créatures vivantes
107- Christophe Boesch (1990) : Pour être considérées comme « culturelles »,
les variations comportementales (…) ne doivent être explicables ni par des
déterminismes génétiques ni par des déterminations environnementales. La
capacité d’innovation et des mécanismes de transmissions des comportements
acquis s’ajoutent à ces conditions. Eux seuls permettent d’assurer une fidélité
de transmission, indispensable pour garantir l’existence d’une culture.
108- Des normes sociales sont requises dans l’élaboration d’un
comportement culturel. La culture ne requiert pas seulement un processus
d’apprentissage social pour produire une transmission crédible de
l’information, mais également un mécanisme qui garantisse la permanence de
l’information entre les événements de transmission. Plus généralement, Boesch
considère que trois mécanismes de transmission de l’information sont
susceptibles de conduire à des comportements culturels : l’imitation,
l’enseignement et l’apprentissage ; enfin, la canalisation
sociale.
Kroeber (1928) : Six conditions sont requises pour parler de
culture : des comportements nouveaux doivent émerger, ils
doivent être disséminés dans le groupe à partir de l’inventeur, être standardisés,
durer et être diffusés par l’intermédiaire d’authentiques traditions.
109- (…) deux contraintes supplémentaires (…) : les comportements
pris en compte doivent être tournés vers d’autres activités que
celle de la subsistance et ils doivent être vraiment naturels.
148- Ce qu’on peut reprocher à ces comparaisons (entre les chimpanzés et
certaines tribus primitives) c’est surtout de n’être guidées par aucun principe
directeur charpenté qui en structure le déroulement. Pourquoi ? Peut-être
parce que nous ne savons tout simplement pas ce qu’est une culture, et
que nous devons reprendre la question à la base, sans postuler d’emblée que
nous savons déjà de quoi il en retourne.
149- Il est intéressant de noter que les critiques les plus virulentes
contre l’idée de cultures animales sont venues des psychologues, et non
des éthologues qui ont globalement ignoré ces nouveaux développements. Le pivot
des ces critiques est celui de l’imitation…
156- L’imitation n’opère que dans un sens, l’enseignement dans
deux.
157- Les cultures humaines sont fondées sur des mécanismes
d’apprentissage, d’enseignement et d’imitation qui sont propres aux humains, …
161- Les éthologues appuient leurs travaux sur une conception de la culture
qui tourne autour de quelques notions clefs : celle de variations
comportementales entre groupes sauvages qui ne peuvent être expliquées ni par
l’écologie de ces groupes ni par leur génétique, celle d’imitation ou celle de
tradition – plus largement celle d’apprentissage sociale. D’autres notions,
comme celles de jeu ou d’esthétique, ne sont pas discutées dans cette
perspective. La nature des communications entre membres du groupe n’est jamais
réellement prise en compte. Des phénomènes comme celui de l’interaction avec
d’autres espèces ou celui de la gestion de la violence sont discutés ailleurs.
Comparer les sociétés animales et les sociétés humaines s’appuie sur la
conviction que l’on sait clairement de quoi on parle ; est-ce vraiment le
cas ?
Existe-t-il une différence de degré et non de nature, entre les
comportements de l’homme et ceux du chimpanzé ? (…) Que signifie la notion
de degré ici ? L’homme lit. Le chimpanzé lit-il moins ? (…) Il existe
de nombreuses postures intellectuelles dans ces débats qui n’ont d’autre
intérêt que la situation de leur producteur dans un espace professionnel. (…)
Deux positions sont tout particulièrement difficile à tenir. La
première stipule que les cultures humaines sont, par nature, différentes
des cultures animales. La deuxième considère qu’il existe seulement des
différences de degré entre elles. Une troisième thèse, plus réaliste à
mes yeux défend l’idée quelles ont une origine commune, mais qu’elles sont
séparées par des différences intrinsèques de même nature que celles qui
séparent une société de fourmis et une société de chimpanzés. Les différences
entre les deux types de culture appartiennent à une même logique évolutionniste
mais elles ont des caractéristiques radicalement étrangères les unes aux
autres. Rien ne justifie d’attribuer aux cultures humaines un statut spécial,
alors qu’un statut particulier est largement suffisant. Autrement dit
l’irréductibilité des cultures humaines aux cultures animales est la seule
position qui soit satisfaisante en toute rigueur mais cette reconnaissance des
particularités des cultures humaines ne justifie aucunement leur
« sortie » des procédures suivies par l’Evolution naturelle. Il est
donc possible de renvoyer dos à dos ceux pour qui il n’existe que des
différences de degré et non de nature entre cultures humaines et cultures
animales et la position de l’anthropologue Kroeber pour qui un fossé infranchissable
sépare les unes des autres. Le fond du problème réside bien plutôt dans
l’extrême difficulté que nous avons à
penser la diversité du vivant et dans notre propension à transformer une
différence de nature à l’intérieur du vivant en différence de nature en
dehors du vivant. L’homme n’est pas sorti de l’état de nature mais il en a
exploré avec succès une niche extrême au même titre que la faune des
profondeurs sulfurées de l’océan.
179- Quatre notes de base ayant été isolées, A, B, C et D, [des
éthologues étudiant la mésange à tête noire] se rendent compte (…) que A est
toujours suivi de la note D et que l’appel commence par B suivi de C, elle même
suivie par D. La répétition de ces notes s’effectue de nombreuses fois mais
c’est le silence qui suit impérativement D. ( soit A – D / et appel B – C –
D / )
185- lorsqu’un oiseau adulte imite un oisillon pour s’attirer les
faveurs d’un congénère, il emprunte une métaphore aux relations
parents-enfants.
194- Les résultats du UCLA Phonological Segment Inventory Data Base montrent
que les langages humains utilisent 558 consonnes, 260 voyelles et 51
diphtongues, mais qu’aucune langue ne les utilise toutes.
203- La fonction du jeu reste l’une des grandes énigmes du
comportement animal [selon Tim Caro]. Trois catégories d’hypothèses sont
pourtant disponibles :
1) le jeu est un mécanisme qui permet aux jeunes de développer certaines
aptitudes comme le combat ou la capture de proies,
2) le jeu établit un lien social et de communication,
3) le jeu augmente les capacités cognitives et innovatrices de
l’animal.
[Définition du jeu par Caro] « On appelle jeu toute activité
locomotrice accomplie après la naissance, qui semble, aux yeux d’un
observateur, n’apporter aucun bénéfice immédiat évident au joueur et dans laquelle
des séquences motrices ressemblant à celles utilisées dans des contextes
fonctionnels sérieux peuvent être mises en œuvre sous une forme
différente. »
L’exagération des mouvements, la répétition, la fragmentation ou la
désorganisation des séquences constituent des caractéristiques centrales du
comportement ludique.
223-[Selon Thomas Sebeok, zoosémoticien,]4 sphères sémiotiques
reçoivent un traitement privilégié chez l’animal : la sphère des signes
kinesthésiques (mouvements), la sphère des signes musicaux (…), la sphère des
signes picturaux et enfin des signes architecturaux.
224- (…) ce sont les émotions qui conduisent les hommes et les
oiseaux à danser.
228- Rensh estime que nos sentiments esthétiques sont
attribuables à 3 conditions fondamentales : la symétrie, la répétition en
rythme et la consistance des courbes.
230- Rensh formule explicitement la question des relations entre le comportement
artistiques des primates et le jeu en notant que le jeu est un
comportement protoculturel et que son analyse apporte des éléments intéressants
pour comprendre les origines de l’art chez l’homme.
230- Thomas Sebeok suggère une analogie, en considérant l’art
comme une espèce de moyen cybernétique par lequel l’animal tiendrait son milieu
intérieur en équilibre avec son milieu extérieur. En ce sens homéostatique[1], l’art existe chez d’autres systèmes biologiques que
l’homme ; mais est-on encore vraiment dans l’esthétique ?
231- La beauté de certains oiseaux ravit Darwin et Wallace (…) qui posent
ainsi la question de la sélection sexuelle à laquelle chacun des deux
naturalistes apportent une réponse différente.
Darwin propose une réponse esthétique : il estime que les
femelles sont sensibles à la beauté des mâles, que le plus beau en séduit davantage
et qu’il se reproduit donc plus (…).
Wallace adopte un point de vue sémiotique : il considère que
les femelles perçoivent avant tout des signes qui renvoient à la santé du mâle
(…). Un beau mâle est un mâle robuste qui aura une descendance vigoureuse.
(Une troisième interprétation ne se basant plus sur une rationalité
instrumentale mais plutôt sir une rationalité expressive est ici
proposée en présentant l’animal comme sujet et non plus comme objet)
232- Le philosophe norvégien Jon Elster fait appel à cette rationalité
expressive, au moins implicitement, quand il écrit « Je ne veux
pas dire que (l’artiste) prend ses décisions en appliquant des critères
de valeur conscients, mais plutôt que de tels critères (dont je suppose
l’existence) peuvent être reconstruits en observant la pratique des
artistes[…]. Je pense que la création artistique est un processus de
maximisation avec des contraintes, et que les bonnes œuvres d’art représentent
des maximums locaux de cette chose, quelle qu’elle soit, que les artistes
maximisent. […] Je soutiendrai que la pratique artistique ne peut être comprise
que si l’on fait l’hypothèse qu’il existe quelque chose que les artistes
essaient de maximiser en cherchant à « trouver l’expression
juste » et que, en ce sens, le comportement artistique est un cas d’action
rationnelle. »
244- La biologie doit délaisser la recherche de causalité au
profit de celle de la signification qui acquiert ainsi un statut de
fil conducteur pour comprendre l’animal. À ce titre la tige d’une fleur sert
d’exemple à von Uexküll. Selon le milieu elle joue le rôle de chemin, elle est
décorative, elle acquiert une fonction utilitaire en devenant une pompe ou elle
reste purement alimentaire. Suivant l’animal, une même tige de fleur revêt une
signification différente. La signification joue un rôle central dans la
compréhension de l’animal, et sa recherche doit l’emporter sur toutes les
autres. La question de la signification est la question essentielle pour
comprendre l’être vivant. La recherche des déterminations causales ne doit
venir qu’en second lieu, et elles restent de toute façon extrêmement limitées.
246- Le milieu n’est assimilable ni à l’espace ni au territoire.
Ce dernier est déjà une création subjective de l’animal.
249- Buytendijk renvoie dos à dos la conception théiste de
l’animal, selon laquelle ce dernier est une machine construite par un ingénieur
divin et la conception athée de l’animal comme machine qui s’est montée
elle-même au cours d’un processus de sélection naturelle. Les organismes ne
sont pas des machines, et l’organisme le plus « parfait » ne
représente pas l’aboutissement de l’Evolution.
« (…) le monde organique est chargé d’une valeur démonstrative qui
fait le prix de son être même. Ce qui constitue ce qu’il est, c’est la richesse,
le luxe. »[2]
262- ( Selon Adolf Portmann …) l’homme et l’animal ont au moins un point
commun : la même exigence d’avoir à paraître. Le mode de
compréhension des formes organiques est trop étroit quand on se restreint à une
conception strictement adaptative et utilitariste. Pourquoi les ailes de
papillons et les robes des différentes espèces de zèbres ont-elles ces superbes
motifs que l’homme peut réellement admirer ? …
Portmann propose une autre conception de l’organisme dans laquelle l’apparence
extérieure (parures et dessins) joue un rôle aussi essentiel que le
développement des organes comme le cœur ou le cerveau pour comprendre le
développement de l’animal
266- Qu’il s’agisse de polypes, de méduses de divers petits crustacés,
de puces d’eau de certains rotifères ou des vers transparents qui hantent la
haute mer, ces animaux sont totalement symétriques, et ce sont les seuls
a avoir cette étonnante propriété. Tous sont très primitifs. L’animal
s’opacifie en même temps qu’il se complexifie.
(…) Les taches du corps elles-mêmes sont régulières, sauf pour les
animaux domestiques. Portmann constate que ces règles de symétrie ne
s’appliquent qu’aux parties visibles du corps. Les viscères ne suivent aucun
plan de cette élégance. Il faut perdre l’une de nos mauvaises habitudes :
le plus important n’est pas ce qui nous est caché…
267- Le zoologiste suisse plaide pour une « phanérologie », ce
qui signifie qu’une authentique science des apparences doit constituer
une partie importante de la morphologie. Dans cette perspective Portmann
cherche des règles qui font de la forme un objet de contemplation et il
en isole deux. Le mode de formation signalétique et le mode de formation
cryptique. Le premier capte l’attention à la façon d’un signal. Ces
structures animales sont faites pour être vues. Elles recourent à des couleurs
qui sont absentes de l’environnement dans lequel évolue l’animal. Ainsi le gris
le brun et le vert sont très rares, au contraire du blanc du noir, du rouge, du
bleu ou du jaune. Il rapproche ( ces motifs signalétiques) des bannières et des
blasons du temps jadis. Il évoque ainsi le principe du panneton en établissant
une analogie entre l’adaptation de la clef et de la serrure d’une part, et
l’organe nerveux récepteur et la forme visible héritée d’autre part. Il
poursuit l’analogie en expliquant que, de même que la clef provoque divers
mouvements du pêne, ces bariolages déclenchent des réactions diverses.
Les formations cryptiques visent au contraire à rendre le corps
invisible…
271- Les ailes de certains papillons sont littéralement superbes. Cette
appréciation esthétique est sans doute propre à l’homme ; en quoi
importe-t-elle à l’animal ? En rien, bien sûr, d’un point de vue
esthétique.
Mais si ce que nous interprétons d’un point de vue esthétique est
peut-être trop fort, l’interprétation causale du biologiste est au
contraire trop faible. Existe-t-il une voie médiane ? Oui. C’est celle de
la sémiotique. Sans être esthétique en soi, les parures du papillon
peuvent faire sens pour lui, puisqu’il les voit, ou pour un autre animal qui
les voit aussi…
272- Il est parfaitement possible, d’un strict point de vue darwinien,
d’imaginer que des caractéristiques naturelles de la parure de l’animal
soient utilisées comme signes, et acquièrent un réel pouvoir adaptatif, sans
avoir jamais été conçues ainsi par quiconque.
276-280 : Non assujetti à la matière qui le compose, l’organisme
n’est pourtant composé de rien d’autre.
Une particularité des organismes est donc d’être leur propre ouvrage.
Chaque organisme prend conscience pour lui-même, à travers l’intérêt
fondamental qu’il éprouve à protéger son existence et à la prolonger.
285- Un panvitalisme primitif donnait une explication de la vie.
La mort récurrente était plus difficile à accepter. Déniant la vérité du
vivant, elle devait être déniée elle-même. La croyance en une vie après la mort
et les rituels funéraires découlent de ce malaise.
290- La culture est l’individuation par le collectif. Elle est en
d’autres termes l’optimisation des stratégies de différenciation.
291- Les extraordinaires couleurs de certains papillons ne sont
ni plus ni moins difficiles à expliquer que les communications vocales
de certains oiseaux ou de certains mammifères marins…
295- La culture est le « monde » des organismes
supérieurs, et ces mondes dépendent autant des questions des sens que des
représentations de chacun et des gradients de liberté de l’organisme dans les
espaces dans lesquels il évolue.
306- L’animal est-il une machine ou un sujet ?
L’animal-objet est l’animal machine des cartésiens ou des béhavioristes. Cet
animal est sans conscience ni histoire, sans ego ni volonté. Il est
littéralement jeté dans le cours du monde où il évolue au gré des stimuli
rencontrés. L’animal-sujet est son contraire, puisqu’il possède une
subjectivité.
318- De Waal met en évidence la générosité rare des mâles
supérieurs ; et il estime qu’une telle attitude constitue un authentique comportement
politique. (…)
Chez les bonobos, sexe et pouvoir sont deux concepts jumeaux.
321- Pour De Waal, le régime carnivore est un catalyseur de
l’apparition de la morale, en ce sens qu’il favorise le partage, et que
la démarche égalitaire est l’une des conditions nécessaires à l’apparition de
la morale. Celle-ci émerge à travers l’apparition d’un souci de la
communauté, que De Waal définit comme « le principe par lequel chaque
individu promeut des caractéristiques de sa communauté ou de son groupe, dans
la mesure où elles accroissent les bénéfices que cet individu et sa parentèle
retirent d’en être membre * ». Pour lui, les chimpanzés connaissent le
sentiment d’indignation et ils pratiquent ce qu’il appelle des agressions
moralisatrices.
323- La distinction entre l’animal et l’homme ne se superpose pas à la
distinction nature/culture, comme on l’a cru pendant longtemps. L’homme
aussi bien que l’animal évoluent à l’interface de la nature et de la culture.
(…)
(…) l’homme est un animal particulier qui se pense comme un animal
spécial. (…) Une telle démarche s’oppose naturellement aux mouvements anglo-saxons
qui naturalisent totalement l’humain. (…) Il est (…) essentiel de ne pas se
laisser tenter par une option naturaliste trop aisée à adopter mais rapidement
stérile.
330- Une culture se distingue de la société par la complexité des
phénomènes sociaux mis en jeu et par la transformation de l’animal impliqué en sujet.
C’est là la thèse centrale du livre. Il n’y a pas de culture sans
sujet (parce que la culture est précisément l’occasion de sociétés à
sujets) et il y a des espèces de sujets chez les animaux. C’est la
révolution de l’éthologie contemporaine. (…) Cette thèse du sujet animal n’est
pas triviale. Elle est potentiellement traumatisante. C’est la quatrième
blessure narcissique apportée par la révolution invisible de
l’éthologie contemporaine après Copernic, Darwin et Freud, l’éthologie montre
que nous vivons dans un monde dans lequel coexiste une pluralité de sujets,
même si les sujets animaux ne sont pas superposables aux sujets humains. Il n’y
a pas de culture sans sujet et il n’y a pas de sujet sans pratiques sémiotiques
élaborées. (…)
L’histoire naturelle de la culture (…) s’inscrit dans une histoire qui
la dépasse et la rend compréhensible, celle de la signification, dont les
prémisses apparaissent dès les débuts du vivant.